Pourquoi le degré d’alcool des vins augmente-t-il ?

Thibaud de BurdiVino

Rédigé par Thibaud
Épicurien du vin 

Le 9 mai 2025
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augmentation du taux d'alcool dans le vin

Vous l’avez sans doute remarqué : ces dernières années, les étiquettes affichent des degrés qui flirtent plus souvent avec les 14 ou 15 % qu’avec les 12 %. Est-ce juste une impression ? Pas du tout. Le degré d’alcool des vins grimpe, et pas seulement dans les climats chauds. Mais alors, pourquoi ? Et surtout, est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Une affaire de sucre, forcément

Commençons par le début. L’alcool dans le vin, c’est le résultat de la transformation du sucre du raisin en éthanol, pendant la fermentation. Plus il y a de sucre dans les baies, plus le vin sera alcoolisé. Rien de nouveau sous le soleil.

Et justement, parlons du soleil. Parce que c’est bien lui qui tire les ficelles depuis quelque temps. Les étés sont plus longs, plus chauds, plus secs. Les raisins mûrissent plus vite, et surtout, ils accumulent davantage de sucre. Résultat : des vendanges précoces et des jus beaucoup plus riches en sucre qu’avant. L’équation est simple. Et ce n’est pas une lubie de journalistes ou de climatologues en mal de sensationnel – les vignerons, eux, le vivent dans leurs vignes.

+Le climat change, les raisins aussi

Le fameux changement climatique, on le sent dans notre verre. Ce n’est pas un slogan, c’est un constat. En Bourgogne, en Champagne, dans le Bordelais – des régions pourtant réputées pour leur fraîcheur – on voit régulièrement des millésimes dépasser les 13,5 %, parfois sans forcer. Du jamais-vu il y a vingt ans.

Le stress hydrique joue aussi. Moins d’eau, plus de concentration dans les baies. Et cette concentration, ce n’est pas que du goût : c’est aussi du sucre en plus. Même les cépages dits « modérés » comme le Pinot noir ou le Gamay s’en retrouvent boostés. Et si on regarde les chiffres, c’est assez parlant.

Selon l’OIV, le degré d’alcool moyen des vins dans le monde a augmenté de près de 2 % en cinquante ans. Et certains millésimes récents dans le Languedoc ou le Rhône dépassent allègrement les 15 %. Une évolution lente, mais bien réelle

Ce que dit la loi : étiquetage et degré d’alcool

Petite parenthèse réglementaire, mais utile. Parce qu’un chiffre sur une étiquette, ce n’est pas qu’un détail : c’est encadré, et pas qu’un peu. En Europe, les règles sont assez claires. Le degré d’alcool doit être affiché avec une précision de +0,5 %. Si votre bouteille affiche 13 %, elle peut légalement en contenir entre 12,5 % et 13,5 %. C’est large… mais pas tant que ça quand on y pense.

Et de l’autre côté de l’Atlantique ? Là aussi, ça varie un peu selon les États, mais la norme américaine veut une précision de +1,5 % pour les vins de table. Ça laisse une bonne marge. Pour les vins plus forts, c’est un peu plus serré, autour de +1 %. Le tout est supervisé par la TTB, une sorte d’équivalent des douanes… version vin et tabac.

Autre point intéressant : les termes utilisés sur l’étiquette doivent rester cohérents avec la teneur en alcool. Pas question d’appeler “léger” un vin à 15 %. Même si, soyons honnêtes, certains passent encore entre les mailles du filet.

Les goûts des consommateurs jouent aussi

Ce n’est pas que le climat. C’est aussi ce qu’on met dans nos verres, par envie. Pendant longtemps, le marché a poussé vers des vins puissants, ronds, mûrs, presque confiturés. Des flacons riches, costauds, avec du gras, du volume… et forcément, de l’alcool.

Des critiques influents (coucou Parker) ont contribué à imposer ce style très concentré, souvent sur-extrait, avec des degrés flirtant avec le 15 %. Et pour répondre à cette demande, certains producteurs ont suivi. Le cercle était lancé.

Mais aujourd’hui, on revient aux fondamentaux

Bonne nouvelle : les choses évoluent. Les amateurs cherchent de plus en plus des vins plus digestes, plus frais, avec moins d’alcool. On parle de buvabilité, de finesse, de tension. Et les vignerons ne sont pas sourds à cette tendance.

Il y a quelques années, un Châteauneuf-du-Pape à 15,5 %, c’était presque la norme. Maintenant, certains domaines reviennent à 14 %, en travaillant différemment. Comme quoi, on peut infléchir la courbe… un peu.

Sauf que, dans un climat plus chaud, faire un vin léger devient un vrai défi. Garder de l’acidité, limiter la maturité alcoolique sans tomber dans le végétal… c’est un numéro d’équilibriste. Un vrai savoir-faire. Et ça mérite d’être souligné.

Et les vignerons dans tout ça ?

Ils s’adaptent, forcément. Certains vendangent plus tôt pour garder de la fraîcheur. D’autres revoient leur manière de conduire la vigne, limitent l’effeuillage, cherchent des clones moins sucrants, laissent plus d’ombre aux grappes. Parfois, ils vont jusqu’à expérimenter des cépages plus résistants ou des méthodes innovantes comme la désalcoolisation partielle. Rien n’est simple, mais beaucoup essaient.

On voit aussi émerger des cuvées à 11,5 ou 12 %, hyper digestes, sans perdre en intensité. Comme quoi, on peut faire bon sans taper fort.

Et puis il y a ceux qui jouent la carte de la maturité phénolique, quitte à avoir plus d’alcool mais aussi plus de matière et de structure. Tout est une question d’équilibre.

Mais il faut bien le dire : quand le degré grimpe à 15 %, ça devient compliqué à gérer à table. Et pour ceux qui aiment boire un verre (ou deux), ça se sent vite.

Et dans votre verre, ça change quoi ?

Un degré élevé, c’est plus de chaleur en bouche, parfois moins de fraîcheur. Ça pèse un peu sur les papilles. Mais ça dépend du style du vin. Certains rouges sudistes à 14,5 % se boivent avec plaisir s’ils sont équilibrés. À l’inverse, un 12 % mal construit peut paraître dur ou maigre.

Et puis il y a la question de la tolérance personnelle. Un vin plus léger, on en boit peut-être deux verres. Un vin à 15 %, on s’arrête plus vite (enfin… en théorie !).

Alors, faut-il s’inquiéter ?

Pas forcément. Mais on peut s’interroger. Sur nos habitudes, nos goûts, notre rapport à l’alcool dans le vin. Et puis, sur la manière dont on accompagne les vignerons qui veulent faire autrement, même quand le climat leur met des bâtons dans les roues.

Personnellement, je suis toujours content de tomber sur une belle bouteille à 12,5 %, bien équilibrée, avec du fond. Ça change, ça rafraîchit, ça repose le palais. Et vous, vous avez remarqué que vos vins “cognent” un peu plus qu’avant ?

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